Je suis bien placé pour dire que la poésie française  doit à Michel Valette une de ses plus grandes aventures. Certes avec Prévert et  Kosma et quelques autres, la poésie avait déjà flirté, avant lui, avec la  chanson, mais épisodiquement. Or à la fin des années 50, cette célébration du  mariage de la poésie et de la chanson fut l’objet d’une opération concertée.  L’idée partait de la constatation  de Mac Luhan que la civilisation Gutenberg était en péril et qu’il  convenait de trouver au poème un support beaucoup plus populaire que le livre.  Et pourquoi pas la chanson puisque, à l’origine, la poésie était chantée dans les  rues? La suite a prouvé que l’audio et le visuel prenaient le pas sur l’imprimé au point d’en faire, à présent,  une espèce en voie de disparition. Le calcul était donc bon. Une telle  ambition supposait qu’on puisse rapprocher les éléments producteurs:  poètes, musiciens, interprètes et qu’on puisse assurer la  promotion.

Valette et son  cabaret «La Colombe» furent le relais indispensable de cette  médiatisation. Son cabaret fut un haut lieu, devenu historique, d’une chanson  dont on privilégiait le texte, ce qu’on avait jusqu’ici négligé. Les  dictionnaires vous diront que le rôle de Valette dans la chanson de style  «rive gauche» fut important, qu’il donna une première chance à de  nombreux jeunes et fit débuter, entre autres: Michel Aubert, Guy Béart,  Henri Gougaud, Francesca Solleville, Anne Sylvestre et qu’on a pu entendre aussi  dans son lieu: Fanon, Ferrat, Hélène Martin, Moustaki,  etc.

  Jean l'Anselme