JEAN FERRAT tout simplement

présentation par l'auteur Michel Valette
1928-2016

Du même auteur : De Verdun à Cayenne
Commentaires de la presse et des lecteurs
Commander le livre

Evènementiels :

En 2010 et 2011, Michel Valette a présenté son livre pour des séances de dédicace dans de nombreuses villes comme le montre le calendrier suivant : CLIQUER ICI
 

J

 e vais vous raconter une belle histoire, une  histoire vraie.
   Il y a un peu plus de cinquante ans, nous avions repris mon épouse Beleine et moi, un petit bistrot délabré en plein cœur de Paris, dans l’Ile de la Cité. C’était La Colombe.

Nous étions désargentés et l’avons retapée avec les moyens du bord.

Je fus le premier à chanter à la Colombe, puis, peu à peu des amis qui débutaient dans la chanson vinrent se joindre à moi.

 

Comment j’ai commencé.

Un soir, un inconnu nommé Guy Béart me fit entendre ses chansons. Je l’engageai. On commença à parler de lui dans les deux années qui suivirent, ce qui nous attira d’autres postulants chanteurs. Je me promis alors de ne jamais prendre d’artistes déjà connus car j’éprouvais trop de plaisir à voir se révéler des jeunes artistes dont j’avais apprécié leur don d’écriture alors qu’ils n’avaient encore aucun métier d’interprète.

C’est ainsi que j’engageai Hélène Martin, puis une jeune fille qui ne s’appelait pas encore Anne Sylvestre.

 

La rencontre.

Un jour, un grand jeune homme très maigre qui se présenta sous le nom de Jean Ferrat. C’était en 1957.

Il était très timide, ne voulant pas se mettre en avant. Il débuta à la Colombe comme les autres l’avaient fait, en chantant en début de programme, 3 ou 4 chansons chaque soir pendant 3 semaines.

Il avait déjà mis en musique un poème de Louis Aragon « Les yeux d’Elsa ». Une vedette populaire de l’époque, André Claveau, le chanta et l’enregistra, sans que Jean Ferrat ne crut bon de devoir s’en vanter.

Il fourbit ses armes d’interprète dans notre petit cabaret pendant six ans au cours desquels il rencontra une chanteuse très talentueuse que

j’avais engagée peu après lui, Christine Sèvres. Ils se marièrent en 1960. Elle lui fit connaître un petit jeune homme du nom de Gérard Meys qui, après avoir écouté Jean à la Colombe, proposa de s’occuper de sa carrière discographique, de son secrétariat, de ses engagements, bref de toute l’intendance et ce fut le début d’une grande amitié qui dura jusqu’à la disparition récente de Jean.

 

Tout simplement.

Beleine et moi sommes aussi devenus de grands amis du couple Jean et Christine et nous eûmes le privilège d’avoir la primeur de toutes les premières chansons qu’il écrivit, de « Ma Môme » aux chansons d’Aragon qu’il avait mis en musique en passant par « Nuit et Brouillard »,  «Potemkine » etc.

Il est toujours resté simple, avait horreur du bling bling du show bizz et du star system. Et pourtant il fut vedette dans des grands music-halls, resta six mois à l’Alhambra une salle qui fut démolie peu après alors qu’elle était plus grande que l’Olympia, fit de nombreuses tournées importantes, le Palais des Sports qu’il réussit à remplir en pleine période où les yéyés triomphaient.

Il refusa toujours de chanter plus de quinze chansons dans un spectacle afin de favoriser le passage de jeunes artistes en première partie. C’était un signe de plus de sa grande générosité.

 

Son message

Il a mis dans les 200 chansons qu’il a écrites tout ce qu’il pouvait reprocher au monde d’aujourd’hui et à la société, les inégalités sociales, le racisme lui à qui on avait fait porter l’étoile jaune à 11 ans, le sort fait aux femmes, le colonialisme et le militarisme. Il a été le chantre de l’espoir d’un monde meilleur, un admirateur de la nature et des vertus simples et sans négliger l’humour, a su écrire quelques-unes des plus belles chansons d’amour qui soient.

Il n’oublia jamais que pendant la guerre sa famille et lui-même avaient été sauvés par des militants communistes admirables et sans jamais prendre la carte du parti, il les accompagna longtemps dans leurs luttes. Ce qui ne l‘empêcha pas de dénoncer lorsqu’il les connut, les crimes du stalinisme. Sa chanson « Bilan » est un pamphlet qui stigmatise les erreurs de ses camarades.

 

La censure

A la télévision, il fut censuré plusieurs fois, que ce soit pour « Potemkine », pour « Nuit et Brouillard », pour « Camarade » ou pour « Ma France » et pour quelques autres. Curieusement, depuis qu’il est décédé, on ne trouve plus trace des décisionnaires qui sont peut-être les premiers à faire son panégyrique !

Il se retira très tôt en Ardèche après dix huit ans de carrière. Pour lui, il aurait été indécent de gagner plus d’argent qu’il n’en avait. Il estima sagement que ses chansons avaient donné l’essentiel de ce qu’il voulait dire. Il se consacra au jardinage, à la pétanque et à ses amis. Pendant cette retraite de plus de trente ans, malgré un énorme silence des médias audiovisuels, jamais le petit peuple de France ne l’oublia et les rééditions de ses disques continuèrent à faire recette. En 2009 un coffret de cinquante de ses chansons fut tiré en 250.000 exemplaires et lui valut le Disque de platine 2009.

 

L’ultime consécration.

Lorsqu’il disparut, l’hommage extraordinaire que lui firent spontanément à Antraigues et par répercussion dans la France entière les gens les plus simples qui se reconnaissaient dans ses révoltes et ses amours fut une splendide consécration de l’homme qui resta jusqu’au bout fidèle à ses amis et à ses idées.

 

Michel Valette

Version pdf de ce document

Commander le livre dédicacé

  ®